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Bref Survol du Processus de Compréhension

(Text d'introduction utilisé lors du lancement
du premier livre de la série [Système d'opération d'Einstein]
à MENSA-Québec le 31 mai 1997)

Voici un bref survol des grandes lignes du processus de compréhension, découlant des recherches de Pavlov, Chauchard et Korzybski et qui est vérifiable dans ses moindres détails, pour ceux que la chose intéresse.

Avant de pouvoir définir l’intelligence, ou devrait-on plutôt dire "la capacité de compréhension", il est indispensable de définir le fonctionnement de la pensée.

Suite à de longues expérimentations, Pavlov a déterminé que nous pensons selon deux modes différents [1] [1a] [1b]:

1- Le mode de pensée par association d’images.
2- Le mode de pensée par association de mots.

Le mode de pensée par associations d'images correspond à la circulation de ce que nous pourrions nommer "notre conscience d'être" dans l'ensemble des séquences de souvenirs correspondant à l'ensemble des perceptions de nos sens: images visuelles, sensations tactiles, sons, etc., le tout emmagasiné en "ordre de déroulement" dans divers centres du néocortex[2], chacun correspondant à l'un de nos sens. Les séquences d'événements emmagasinées dans ces divers centres sont aussi mutuellement inter-reliés de manière à ce que nous puissions facilement avoir accès à l'ensemble de ce dont nous pouvons nous souvenir de nos perceptions sensorielles pour tout événement donné.

Il faut aussi ajouter à la pensée par images, l'ensemble des images symboliques de toutes natures que nous élaborons et que nous pouvons faire venir à notre esprit et toutes les émotions que nous pouvons ressentir,

Le mode de pensée par association de mots correspond à la circulation de ce que nous pourrions nommer "notre conscience d'être" dans une infrastructure de liens qui est mise en place dans le néocortex entre les divers aspects de nos souvenirs en conséquence de l'utilisation de la langue ou langues que nous utilisons pour y penser et en parler[3], français, allemand, espagnol, anglais, russe, etc.

Nous observons le monde extérieur dans lequel nous évoluons, ainsi que le monde intérieur de nos émotions avec la pensée par images, mais nous le comprenons et le décrivons avec la pensée par le langage intérieur.

Une particularité importante de chaque objet, événement, enchaînement d’événements, concept ou émotion auquel nous pensons par la pensée par image est le fait qu’il possède potentiellement une infinité de caractéristiques[4].

Une autre particularité importante de la pensée par images, est qu’il n’est jamais nécessaire d’avoir perçu la totalité de cette infinité de caractéristiques d'un objet, événement, concept ou émotion auquel nous pensons, pour en comprendre objectivement la nature [4a] [4b].

Pour tout objet, événement, concept ou émotion auquel nous pouvons penser, il existe donc un sous-ensemble restreint de caractéristiques qui permet d’en percevoir objectivement la nature.

La principale particularité de la pensée par le langage est la capacité de généralisation[5] qu’elle nous procure. Cette capacité de généralisation est le mécanisme par lequel une foule d’images peuvent être associées dans notre esprit par au moins une caractéristique. Chaque mot est potentiellement une généralisation.

Le mot "chien", par exemple, peut faire qu’une personne pensera à un chien en particulier, à tous les chiens qu’elle a connus, à tout ce qu’elle sait sur les chiens, au propriétaire d’un chien dont elle a peur, etc. Le degré de généralisation exprimé par un mot, dans quelque langue que ce soit, est toujours déterminé par le contexte global, c’est-à-dire, par rapport au cadre de références dans lequel il est utilisé.

Nous pouvons maintenant parler de l’intelligence, c’est-à-dire de la capacité de compréhension.

Le mécanisme de compréhension implique l’utilisation de deux processus distincts.

1- Le processus de corrélation[6].
2- Le processus de compréhension[7].

Une corrélation étant une relation réciproque perçue entre deux ou plusieurs choses, le processus de corrélation, permis seulement par la capacité de généralisation propre exclusivement au langage intérieur, est un processus automatique du néocortex de recherche de la mémoire par enchaînement de corrélations successives entre les éléments pertinents de près ou de loin au sujet en cours d'examen, aboutissant habituellement à la perception d'une cohérence dans l'ensemble des éléments associés.

La perception d’une cohérence[8], autre propriété fondamentale du néocortex, c'est-à-dire l'impression d'avoir compris quelque chose suite à une réflexion, n'est cependant pas en soi une garantie que le sujet de notre réflexion a été compris objectivement. Il faut donc faire intervenir un autre processus de manière à orienter la pensée vers cette compréhension objective, qui est toujours l'objectif ultime souhaité.

Le processus de compréhension est une méthode utilisée par le cerveau humain, consistant à explorer et ré-explorer un concept, jusqu’à ce qu’un état de compréhension objective du concept soit atteint.

Chaque nouvelle exploration, prenant en compte de plus en plus de caractéristiques qui sont considérées suite au requestionnement des aspects non éclaircis du concept considéré, aboutit à la perception d'une nouvelle cohérence plus précise que la précédente. La cohérence finale englobe idéalement le sous-ensemble restreint des caractéristiques objectives qui définissent objectivement le concept en cours d'exploration.

Cette cohérence finale peut être reconnue avec circonspection par le fait qu'une suite de reconsidérations prenant en compte de plus en plus de données ne rend pas le concept plus clair. Toutefois, un signe incontournable que cette cohérence finale n'a pas été atteinte est le constat que même un seul aspect du concept demeure inexpliqué.

La seule manière de permettre au processus de compréhension d’opérer efficacement est de se contraindre à ne jamais être totalement certain d’avoir compris objectivement quoi que ce soit [9], ce qui maintien l'individu dans un état d'alerte à reconsidérer toute nouvelle information qui pourrait éclaircir le concept plus avant.

La capacité de généralisation qui est le fondement même de tout le mécanisme de compréhension étant une caractéristique uniquement permise par le langage, il en découle que plus le langage sera finement maîtrisé, plus le processus de compréhension pourra opérer efficacement.

Le degré d’éveil de l’intelligence, c’est-à-dire de la capacité de compréhension, est donc à la mesure du degré de maîtrise de la langue[10].

À la naissance, les centres qui supporteront éventuellement la pensée par le langage ne sont pas encore physiquement interconnectés avec les centres qui supportent déjà la pensée par images. Les connections synaptiques nécessaires n'existent pas encore à ce moment puisqu'elles s'établiront à mesure que l'enfant apprendra à parler, lire et écrire.

L'établissement de gaines de myélines autour des dendrites des centres verbaux en constructions est génétiquement retardée chez les humains, contrairement au reste du néocortex, pour que leur présence physique ne nuisent pas à la construction rapide de l'ensemble des interconnections qui s'établiront dans ces zones verbales pendant l'enfance. C'est ce qui explique pourquoi les enfants apprennent si facilement n'importe quelle langue ou même plusieurs langues pendant l'enfance.

Chez les humains, la myélinisation des centres verbaux du néocortex est génétiquement déclenchée vers l'âge de 7 ans, âge après lequel toute construction supplémentaire devient plus difficile (demande plus d'efforts), dû à la présence des gaines de myéline nouvellement établies.

Les 7 premières années de la vie sont donc disponibles pour une construction facile du réseau d'interconnexions synaptiques entre les centres supportant la pensée verbale et les centres supportant la pensée par image[11]. Il est donc impératif que l’enfant acquière en bas âge un vocabulaire suffisamment articulé pour qu’il puisse facilement exprimer ses idées et décrire facilement ce qu’il perçoit et comprend.

La densité du réseau d’interconnexions synaptique qui se structurera physiquement entre ses centres du langage et ses centres de la pensée par image, et qui servira pour le reste de la vie de l'individu, sera à la mesure de la qualité de cet apprentissage[12].

Il faut dire, cependant, pour ceux et celles dont les conditions de développement verbal auraient pu ne pas être optimales, que la situation semble en grande partie, sinon totalement, récupérable, dans la mesure ou la personne concernée est intéressée à investir les efforts d’apprentissage nécessaires.

Pour leur part, les tests de QI mesurent de toute évidence la vitesse avec laquelle une personne peut percevoir des cohérences spécifiques. Cette vitesse semble effectivement être en relation avec la qualité de l’apprentissage du langage en bas âge mais semble aussi constamment varier au cours de la vie en fonction du degré d’utilisation des centres du langage [13].

Une personne qui lit beaucoup, par exemple, utilise beaucoup ses centres du langage et verra probablement sa vitesse de perception de cohérence augmenter en conséquence. Si la personne cesse de lire pendant une certaine période de temps, elle verra probablement sa vitesse de perception de cohérence diminuer. Une foule d’autres facteurs que la lecture ont sans doute aussi une influence[14].

Étant donné que le processus de compréhension implique obligatoirement un processus de remise en question permanent qui a pour conséquence la perception, au fil du temps, d’une série de cohérences de plus en plus précises pour chaque objet, événement, concept ou émotion de la vie réelle auquel une personne a envie de penser, des tests qui mesurent seulement la vitesse avec laquelle une cohérence spécifique est perçue par l’individu ne peuvent en aucun cas donner une idée du degré avec lequel cette personne utilise le processus de compréhension [15].

Par nature même, la proximité d’une cohérence perçue par rapport à la réalité objective ne peut être vérifiée qu’en relation avec les cohérences perçues par d’autres personnes qui considèrent le même objet, événement, concept ou émotion, car il n’existe qu’une seule réalité objective [16] [16a] [16b].

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Copyright (c) 1997 - André Michaud


Références

[1] Le système d'opération d'Einstein, Les Éditions SRP, 1997, page 92.
[1a] Le cerveau et la conscience, Paul Chauchard, Éditions du Seuil, 1960, page 119.
[1b] I.P. Pawlow, gesammelte Werke, Lothar Pickenhein, Ergon Verlag, 1998, page 183.
[2] Les fondements neurolinguistiques de l'intelligence, Les Éditions SRP, 2001, pages 29 à 33
[3] Les fondements neurolinguistiques de l'intelligence, Les Éditions SRP, 2001, page 43.
[4] La valeur de la science, Henri Poincaré, Flammarion, 1905, pages 171 à 187.
[4a] Science & Sanity, Alfred Korzybski, The Institute of General Semantics, 1933.
[4b] Le système d'opération d'Einstein, Les Éditions SRP, 1997, page 42 et page 102.
[5] Les fondements neurolinguistiques de l'intelligence, Les Éditions SRP, 2001, pages 117 à 121.
[6] Les fondements neurolinguistiques de l'intelligence, Les Éditions SRP, 2001, page 89.
[7] Le système d'opération d'Einstein, Les Éditions SRP, 1997, page 44.
[8] Théorie des attracteurs discrets, Les Éditions SRP, 1999, page 82 et 84.
[9] Le système d'opération d'Einstein, Les Éditions SRP, 1997, page 53.
[10] Un Avenir en Héritage, Les Éditions SRP, 1998, page 21.
[11] Le cerveau et la conscience, Paul Chauchard, Éditions du Seuil, 1960, pages 38 à 52.
[12] Le cerveau et la conscience, Paul Chauchard, Éditions du Seuil, 1960, page 115.
[13] Le système d'opération d'Einstein, Les Éditions SRP, 1997, page 31.
[14] Les fondements neurolinguistiques de l'intelligence, Les Éditions SRP, 2001, page 95.
[15] Les fondements neurolinguistiques de l'intelligence, Les Éditions SRP, 2001, pages 47 à 51.
[16] Un avenir en héritage, Les Éditions SRP, 1998, pages 119 à 178.
[16a] Les fondements neurolinguistiques de l'intelligence, Les Éditions SRP, 2001, pages 63 à 68.
[16b] Science & Sanity, Alfred Korzybski, The Institute of General Semantics, 1933.